Portrait d’expatrié(e) en Arabie saoudite : la parole à Dominique Delbecq, expatriée à Riyadh !
- PORTRAITS D'EXPATS
- La rédaction
- 11 avril 2023
- 25 minutes read
Depuis combien de temps en Arabie saoudite ? Dans quelle ville/compound vivez-vous actuellement ?
Je suis arrivée à Riyadh en septembre 2002, il y a donc un peu plus de 20 ans.
La première année, nous habitions au TAIC Compound, situé entre Umm Al Hamam Street et le quartier diplomatique. En septembre 2003, nous avons déménagé en centre-ville (quartier Olaya) dans une villa individuelle. Nous y sommes toujours.
Comment décririez-vous la ville de Riyadh en quelques mots ?
Un chantier. De la maison individuelle à la création du King Salman Park (cinq fois Central Park) en passant par la construction du métro, au centre-ville ou en périphérie, pas un quartier n’est pas en travaux.
Il y a également beaucoup de voitures. Même si depuis quelques années des zones piétonnes se créent un peu partout, en dehors de ces espaces, il est très difficile de marcher dans la ville. La notion de trottoir n’existe quasiment pas, et traverser une route reste une aventure risquée.
Il y aussi beaucoup de bruit. L’appel à la prière qui résonne cinq fois par jour, le ronronnement des climatiseurs, les voitures…On pourrait penser que c’est l’enfer, mais nous sommes au Moyen-Orient et la gentillesse de ses habitants rend la ville chaleureuse.
Dans quel contexte avez-vous décidé de vous expatrier en Arabie saoudite ?
Nous avions envie d’« ailleurs », et quand mon mari a eu une proposition de poste en Arabie, nous avons décidé de tenter l’aventure.
Quelles ont été vos principales difficultés lors de votre installation en Arabie saoudite?
La première difficulté n’est pas liée à qu’à l’Arabie. Je vivais depuis ma naissance au même endroit. J’y avais tous mes repères et j’étais comme dans un cocon. J’ai mis un peu de temps pour trouver ma place dans un environnement culturel totalement différent. En 2002, les communications avec la France étaient réduites aux échanges de mails et le sentiment d’isolement était assez prégnant.
La deuxième difficulté a été l’absence d’autonomie. Mon niveau d’anglais ne me permettait ni de faire des démarches administratives ni d’avoir de vraies conversations avec des interlocuteurs non francophones. Il a fallu s’y mettre !
Les premiers mois, je n’avais pas de chauffeur et je ne connaissais pas suffisamment la ville pour prendre des taxis (la notion d’adresse n’existait pas à l’époque et il fallait pouvoir guider les chauffeurs). J’étais donc tributaire des autres pour mes déplacements, ce que j’ai très mal vécu. Dès janvier 2003, j’ai trouvé un chauffeur à temps partiel, et lorsque nous nous sommes installés dans la villa, il est venu s’installer à plein temps chez nous. Ça a changé mon quotidien. Depuis février 2019, je conduis.
Quelle est votre activité professionnelle ?
Nous devions rester 2 ans, et j’étais partie sur deux années sabbatiques. Quand nous avons décidé de prolonger l’aventure, j’ai eu envie de reprendre une activité professionnelle et j’ai commencé par enseigner à mi-temps au lycée français en classe de CE2.
Au bout de neuf ans, j’ai basculé sur le poste de chargée de communication (mon métier d’origine) qui venait de se créer au sein de l’établissement. Je l’ai quitté en juin dernier.
Ce n’est pas vraiment une activité professionnelle, mais je suis depuis 18 ans un membre actif du comité de Riyad Accueil, et c’est un vrai travail.
Dans votre quotidien professionnel, avez-vous eu des difficultés pour vous adapter à votre nouvel environnement ?
Non, aucune. J’ai dû apprendre un nouveau métier, mais cela s’est fait dans la douceur.
J’ai eu la chance d’être le complément à mi-temps du conseiller pédagogique nommé par l’AEFE. Difficile de rêver meilleure formation et accompagnement.L’enseignement m’a beaucoup appris.
Avez-vous des enfants ? Comment s’est passée leur adaptation à ce nouvel environnement, l’école, les activités ?
Je suis venue à Riyadh avec mes quatre garçons de 7 à 13 ans. À leur arrivée, ils étaient tous scolarisés à l’EFIR.
Il y a eu un vrai temps d’adaptation. Ils se sont sentis déracinés. Je dirai que le temps d’adaptation a été proportionnel à leur âge. Mon aîné a souhaité partir au bout de deux ans en internat en France, mais il est revenu après un an avec un tout autre état d’esprit. Une fois leurs marques prises, ils ont adoré la vie ici.
La vie quotidienne en Arabie saoudite intrigue et interroge grand nombre de futurs expatriés. Quels sont les préjugés et/ou croyances que vous avez pu avoir en amont du départ, et qui se révèlent faux ou réels ?
Je peux vous raconter qu’elles ont été mes « surprises » il y 20 ans, mais cela relève plus de l’histoire que de l’information pratique.
Le pays a tellement évolué que ce qui m’a étonnée à mon arrivée n’existe plus aujourd’hui.
J’avais assez peu de préjugés avant de partir, car en 2002, on ne parlait pas de l’Arabie dans les médias (un peu au moment des attentats du 11 septembre, mais les sujets ne tournaient pas autour de la vie quotidienne). Je savais toutefois que j’arrivais dans un pays où le mot liberté n’avait pas le même sens qu’en France. Certes, il y avait des contraintes quotidiennes, le port de l’Abaya, la non-mixité hormis familiale dans les lieux publics, l’interdiction de conduire, l’absence de pièce d’identité à son nom (on figurait sur celle de notre mari avec les enfants : on avait droit à une photocopie), et pour certains même la confiscation du passeport par l’employeur, mais curieusement, on s’accommodait très vite de ces règles, car par ailleurs, on disposait d’une autre forme de liberté totalement absente en France.
Le désert saoudien est immense, très varié et magnifique. C’est un espace de liberté sans fin, vous y circuliez dans la tenue que vous vouliez (à moi les shorts et les débardeurs), installiez votre camp où vous vouliez, allumiez votre feu de bois et passiez une soirée et une nuit extraordinaire à la belle étoile, voire plusieurs.
S’il était impossible de créer une entreprise sans partenaire saoudien, il était en revanche très facile de monter une petite activité artisanale : pâtisserie française, bijoux, vêtements, sandales en perles, porcelaine peinte, etc.Toutes celles qui avaient le moindre talent pouvaient créer leur petit business en écoulant leurs marchandises lors des bazars organisés dans les compounds ou par le bouche-à-oreille sans payer le moindres impôt ou taxe, et sans aucune contrainte administrative. Cela dynamisait beaucoup la communauté d’expat.
Et puis, derrière les murs de nos maisons, nous pouvions faire ce que bon nous semblait et la vie sociale y était très active. De nombreuses ambassades proposaient des programmes culturels très variés et très intéressants : conférences, concerts, expositions… Nous n’en faisions pas tant à Paris.
Aujourd’hui, tout a changé. La modernisation du pays a totalement rebattu les cartes. Les Abayas ont disparu du vestiaire des Occidentales, nous pouvons conduire, nous avons notre propre pièce d’identité… Le pays se « normalise ». On a vu apparaître la TVA, il y a de plus en plus de règles administratives qu’il est déconseillé d’essayer de transgresser. Quant au désert, il reste de grandes et belles étendues encore sauvages, mais entre les routes, l’accroissement des villes et les zones déclarées réserves naturelles dans lesquelles il est interdit de camper, il s’est considérablement « rétréci » et il est difficile de partir quelques jours sans croiser la civilisation.
D’un point de vue culturel, quels sont les changements dans la vie de tous les jours qui vous ont le plus surpris ?
À l’inverse des autres pays du Golfe, la population de l’Arabie est essentiellement constituée de Saoudiens. On vit donc avec leur culture. Il y a une nonchalance et une bonhomie dans le quotidien qui est très agréable, les gens sont courtois, personne n’a jamais l’air pressé ni stressé même si c’est de moins en moins vrai.
Pendant 18 ans, j’ai eu ma vie rythmée par les prières. À Riyadh, il y a une mosquée à chaque coin de rue et c’est à celle qui se fera le mieux entendre. J’ai souvent été réveillée par le Fajr.
Les prières imposaient le tempo de la journée, les magasins ouvraient à 10h pour refermer à l’heure de Dhuhr (entre 11h30 et midi). Réouverture à 16h après Asser jusqu’à 22h ou 23h suivant les boutiques, mais avec deux coupures de 30 minutes pour Maghrib et Icha.
Les supermarchés étaient, pour beaucoup, ouverts 24h/24, mais fermaient aussi pendant les prières.
Je ne m’y suis jamais faite ! Je ne compte plus les heures perdues à attendre qu’un magasin ouvre.
Depuis 2 ans, les magasins ne sont plus obligés de fermer, et seules quelques petites boutiques le font encore. Cela a beaucoup plus changé mon quotidien que l’abandon de l’Abaya.
Qu’est-ce que vous auriez aimé savoir avant de vous installer en Arabie saoudite ?
Je n’ai rien cherché à savoir. J’aime découvrir les endroits sans avoir aucune idée de ce que je vais y trouver. Ce n’est jamais moi qui potasse les guides pour préparer un voyage, ça me gâche tout mon plaisir. Je n’ai donc pas jugé nécessaire de contacter une personne expat à Riyadh dont on m’avait donné les coordonnées.
Mais une expatriation n’est pas un voyage, et c’était totalement stupide de ma part, car elle aurait pu me donner quelques informations précieuses et surtout des contacts qui m’auraient fait gagner du temps et facilité mon intégration.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre quotidien en Arabie saoudite ?
Depuis cinq ans, le pays évolue à une vitesse incroyable, et être au cœur de ces changements est passionnant. Pour ne prendre qu’un exemple, juste avant le Covid, la musique était encore interdite dans les lieux publics, et cette année s’est tenu à Riyadh le plus grand festival de DJ au monde !
Et le moins ?
La circulation est devenue épouvantable et les transports en commun sont inexistants. On en vient parfois à renoncer à aller faire une activité ou une course parce qu’on sait qu’on va passer plus de temps dans les transports que sur place.
Un mot sur votre expérience personnelle, vos adresses coup de cœur à Riyadh :
Vos deux bonnes adresses restaurants à Riyadh : Pour moi, Najd Village est un incontournable.
C’est un restaurant traditionnel saoudien installé dans une reconstitution de construction typique du pays, tours en torchis et roue à eau incluses. Vous mangez assis et on vous sert sur un tapis en paille tressé. Cela peut paraître du folklore à touristes, mais ce restaurant existe depuis que je suis arrivée et il est très fréquenté par les Saoudiens, ce qui est bon signe.
Ma deuxième adresse est aussi un restaurant « de toujours », le Café Bateel sur Thallia Street. Leur carte est très classique, mais je suis surtout fan de leur Ginger Lemon Tea servi avec une datte à tomber.
👉 Article : Riyadh et ses environs, les restaurants – Où déjeuner, diner ?
Vos deux bonnes adresses activité à faire à Riyadh : Pas vraiment des adresses, mais deux endroits à découvrir : Il est pour moi inconcevable de venir à Riyadh sans aller faire une virée dans le désert. Dunes ou cailloux, il y en a pour tous les goûts. Si vous venez habiter ici, ne faites pas l’économie d’un 4X4.
Il existe un chemin aménagé qui fait le tour du quartier diplomatique. 16km où vous avez l’impression d’être totalement en dehors de la ville, sur lequel vous pouvez courir ou marcher en short et T-shirt : une bulle dans la ville. 👉 Article : Visiter l’Arabie saoudite : que faire à Riyadh et ses environs en 3 jours ?
Vos deux adresses beauté à Riyadh : Four Spa pour la beauté des ongles : des perles ! Hot stone Spa pour les massages.
Les incontournables à visiter à Riyadh : Le fort Masmak, la vieille ville de Diriyah et le musée National.
Monter en haut de la tour Kingdom pour voir toute la ville ou assister au coucher de soleil au restaurant du Globe de la tour Faysaliah.
Les zones piétonnes : The Zone, Uwalk, Riyadh Front. Jax district et ses expos (la biennale de l’an dernier était juste incroyable).
Et puis évidemment, en fonction de l’époque de l’année, les espaces de Noor Riyadh, Riyadh Season et Diryah Season.
👉 Article : Visiter l’Arabie saoudite : que faire à Riyadh et ses environs en 3 jours ?
Deux spécialités à absolument tester en Arabie saoudite : Le kawa (café à la cardamome) avec sa datte (si c’est une Rutab, c’est encore mieux). Le mouton servi sur du riz Kapsa.
Si vous aviez deux conseils à donner aux futurs expats qui souhaitent s’installer en Arabie saoudite :
Tout ce que vous pouvez entendre sur l’Arabie est vrai, mais son contraire aussi. Alors, arrivez ici sans préjugés. Contactez la communauté francophone dès votre arrivée (Riyad Accueil ou UFE), cela facilitera votre installation et votre intégration.
La communauté française en Arabie saoudite : quels organismes, associations, rendez-vous culturels ou business mensuels rassemble la communauté francophone à Riyadh ?
Pour l’accueil : RiyadAccueil, pour en savoir plus : lisez notre article 👉 RiyadAccueil-MdF : un incontournable point d’entrée dans la communauté francophone de Riyadh et l’UFE.
Pour les animations culturelles : le service culturel de l’Ambassade de France et l’Alliance française.
Pas de rendez-vous business organisé de manière régulière : un créneau à prendre.
LE MOT DE LA FIN :
Venez !