Portrait d’expat en Arabie saoudite : la parole à Adrien Lacroix, expatrié à Riyadh !
- PORTRAITS D'EXPATS
- La rédaction
- 1 mai 2023
- 25 minutes read
Depuis combien de temps en Arabie saoudite ? Dans quelle ville/quel compound vivez-vous actuellement ?
Je suis arrivé en octobre 2020, donc deux ans et demi que nous sommes installés en Arabie saoudite. Avant cela, j’étais basé en Belgique. Je vis à Riyadh, dans un compound au nord-ouest de la ville, Kingdom City.
Il m’a été conseillé par une de mes collègues de l’ambassade.
Kingdom est un conglomérat qui appartient à Al-Walid ben Talal, un des princes saoudiens, qui propose des activités dans plusieurs secteurs, dont la santé. Le Kingdom Hospital est juste à côté, ce qui est très pratique pour les familles.
C’est le compound le plus francophone de Riyadh, avec environ 500 logements. Il y a une atmosphère familiale, beaucoup d’enfants. Les nationalités majoritaires sont Anglais, Français et Libanais. Il y a également de nombreux Européens, de Japonais et de Coréens.
Comment décririez-vous la ville de Riyadh en quelques mots ?
C’est la capitale, il y a 7 millions d’habitants, il y a énormément de choses à faire, à voir, même si l’offre culturelle est encore balbutiante. Riyadh est une grande ville qui ne cesse de s’agrandir.
Les côtés positifs : il y a énormément d’opportunités, comme le pays et son économie sont en pleine croissance. La société est également en pleine mutation, le pays s’ouvre dans le secteur du divertissement, du tourisme, les femmes peuvent maintenant conduire, plus d’obligation de porter d’abaya ou de voile… La levée des restrictions plus le changement de mentalité fait que les Saoudiens sont très curieux et veulent montrer au monde qu’ils ont changé. Tout cela engage une dynamique très positive.
Les côtés négatifs : le trafic routier est dangereux. Une des premières causes d’accident est le téléphone au volant. Le climat, l’hiver, c’est génial, il fait entre 15 et 20 degrés et il fait sec. La qualité de l’air laisse à désirer, donc nous mettons des filtres sur la climatisation. L’été, la température peut monter jusqu’à 50, 55 degrés, mais comparé à Dubaï, c’est sec.
Dans quel contexte avez-vous décidé de vous expatrier en Arabie saoudite ?
Pour le travail, j’occupe la fonction de conseiller économique à l’ambassade de Belgique. Je travaille dans les locaux de l’ambassade à Riyadh, et suis expatrié pour une durée entre 4 et 7 ans. C’est une carrière à l’étranger, et on change de poste tous les 5 ans, à peu près.
Je travaille pour l’Agence wallonne à l’exportation, la Belgique étant un État fédéral, le commerce extérieur est une compétence régie par les gouvernements régionaux. Je travaille donc pour aider les entreprises wallonnes et luxembourgeoises. Nous avons donc le statut diplomatique et travaillons avec nos collègues du fédéral, mais on ne fait que du business, de l’économique, du commercial et de l’investissement.
Le paysage des expatriés est plus jeune qu’ailleurs, car les postes étaient moins demandés, surtout dans les ambassades. Beaucoup d’expatriés sont maintenant employés dans les gros projets, dont des profils avec beaucoup de bagages et d’expérience. Les Saoudiens ont beaucoup d’argent, veulent les meilleurs profils et sont donc prêts à payer des salaires extraordinaires. Le niveau des salaires en Saudi dépasse tous les autres pays du monde, et en plus, il n’y a pas d’impôt.
Quelles ont été vos principales difficultés lors de votre installation en Arabie saoudite ?
Pour mon épouse, le fait de ne pas travailler, elle n’a pas le droit, car elle a le statut diplomatique. Mettre en place une vie qui lui plaisait, retrouver un cercle d’amis, une vie sociale. C’est très différent de la vie à Dubai, car encore aujourd’hui, la majorité des expats vivent dans des compounds. La vie de famille est donc centrée autour du cercle social dans le compound, avec les infrastructures du compound.
Il y a des choses à faire à Riyadh, l’offre est en train d’exploser dans le culturel, les industries créatives, il y a des musées, des festivals de musique, des cinémas depuis 2019, des cafés, mais ce n’est pas un réel centre-ville où on peut se promener tranquillement en famille. Il y a un vieux souk, mais si on a besoin de sortir du compound, on prend généralement la voiture pour se rendre à notre destination puis on revient.
Il faut donc vraiment bien choisir son compound. Nos deux critères principaux étaient le lieu de travail et l’école. On a donc choisi au milieu.
Dans votre quotidien professionnel, avez-vous eu des difficultés pour vous adapter à votre nouvel environnement ?
Mes interlocuteurs sont des expatriés et des Saoudiens. À la différence des Émirats, il y a 20 millions de Saoudiens pour 36 millions d’habitants. Au départ, quelques difficultés pour comprendre la culture, la façon dont les gens réfléchissent, se projettent, envisagent les projets.
La culture arabe, c’est une autre manière de présenter les choses, l’esprit est moins cartésien, plus dans la forme que dans le fond. Ce sont des personnes qui, dans les affaires, ont besoin de faire ami-ami avant de faire du business. Ce sont des relations très proches, sur WhatsApp, par téléphone, on va manger chez l’un et chez l’autre, on rencontre les familles… Il fallait donc d’abord décoder un peu tout ça. Une fois qu’on a les codes, c’est effectivement plus simple.
Avez-vous des enfants ? Comment s’est passée leur adaptation à ce nouvel environnement, l’école, les activités ?
Je suis venu avec mon épouse, nous avions une petite fille et en avons maintenant une deuxième.
En Belgique, ma grande fille a connu uniquement la crèche. Elle ne parlait pas encore vraiment. Ici, tout est en anglais. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle est trilingue, car à la maison, je parle français et mon épouse lui parle russe, mais elle adore l’anglais, comme si c’était un petit pied de nez à papa et maman.
Elle se plaît beaucoup à l’école, elle s’est ouverte. Les écoles Montessori, mettent vraiment l’accent sur le développement personnel, la motricité, ce qui lui convient très bien.
La vie quotidienne en Arabie saoudite intrigue et interroge grand nombre de futurs expatriés. Quels sont les préjugés et/ou croyances que vous avez pu avoir en amont du départ, et qui se révèlent faux ou réels ?
Avec mon épouse, nous étions assez dubitatifs sur notre capacité à rester ici longtemps. Quelques semaines après notre emménagement, on s’est dit que la qualité de vie était incroyable. Je parle pour moi, car comme c’est mon premier poste, je viens d’une situation où j’étais dans un appartement avec une chambre en location avec ma femme et ma fille. On débarque ici en plein Covid, dans un compound, les règles Covid n’étaient pas en application, au mois d’octobre, il faisait 35° en plein soleil, dans une maison de 3 chambres avec piscine, des gens supers sympas, c’était l’extase.
Au niveau de la qualité de vie, pour des familles avec de jeunes enfants, c’est vraiment l’idéal. Tout est facile, on est comme dans un village Club Med avec tout à proximité. C’est sécurisé, les enfants peuvent courir, jouer, ils ont plein d’amis avec des activités organisées. On n’a pas besoin de prendre la voiture pour aller à la salle de sport, à la danse… C’est une vie beaucoup plus facile. En plus, c’est un pays où il y a beaucoup d’assistants, de personnel de maison. C’est dans la culture saoudienne d’avoir jardinier, chauffeur, femme de ménage, nounou… Dans les compounds, ces services sont existants aussi.
Nous n’étions pas à l’aise avec le fait d’avoir des gens tout le temps chez nous à la maison, mais on a quand même quelqu’un qui vient faire le jardin, une nounou qui vient de temps en temps, quelqu’un qui fait le ménage. Avec des enfants, ça nous permet de nous relâcher un peu plus souvent.
D’un point de vue culturel, quels sont les changements dans la vie de tous les jours qui vous ont le plus surpris ?
On est arrivé en octobre, la suppression de l’interdiction de l’abaya a eu lieu fin 2019/début 2020. Ma femme a continué à la porter au tout début, mais on a arrêté quelques mois après. Ce qui nous a peut-être un peu choqué au début, c’était le fait que quand vous vous promenez à Riyad, dans un mall ou dans le centre-ville, encore 80 % de femmes sont voilées, avec l’abaya ou la burqa. Il y a eu une transformation chez nous aussi. Quand on n’est pas habitué à voir ça, ça choque. On imagine beaucoup de choses, mais au final, en commençant à parler avec des Saoudiens, car on est invité chez eux, on apprend leurs coutumes, il y a une forme de respect qui s’installe. Et ils vous disent que si les femmes choisissent de porter l’abaya ou la burqa, évidemment qu’il y a des cas où l’ambiance est négative, mais il y a aussi beaucoup de femmes qui le font, car elles n’ont connu que ça et que ça leur convient très bien. Il y en a qui trouvent de la beauté dans l’abaya ou la burqa.
Un designer belge travaille pour une marque de vêtements qui s’appelle Lomar, qui est assez luxueuse. Il design des abayas et des vêtements pour hommes et femmes. On remarque qu’il y a des spécificités dans ces vêtements-là, que ce soit dans les matériaux utilisés, dans les ornements, les marques… Les femmes saoudiennes se démarquent dans ces petites choses ou d’autres que l’on voit, comme les bijoux, les chaussures.
Qu’est-ce que vous auriez aimé savoir avant de vous installer en Arabie saoudite ?
Quelque chose qui nous a posé problème au début, on est assailli de demandes de services, que ce soient les nounous, les femmes de ménage, les jardiniers… Savoir un peu quoi dire. Puis aussi peut-être connaître un peu l’arabe, car ça change la donne, ne serait-ce que pour casser la glace au début. Ça change tout de suite la relation avec un Saoudien ou un habitant du golfe, un arabophone, si vous arrivez à lui dire : « bonjour, merci, comment ça va » en arabe. on a tous cette idée de l’Arabie des années 90/2000, mais depuis 2019, l’Arabie a vraiment énormément changé. Ce visage-là, les gens ne le voient pas, ne sont pas au courant, ou ne veulent pas le savoir. C’est dommage, mais je le comprends, car j’étais dans le même cas avant d’arriver. Je ne vais blâmer personne.
On s’attendait à un pays avec des gens froids et fermés, alors que les Saoudiens sont extrêmement chaleureux. Les autorités ont un peu changé leur fusil d’épaule à partir de la nomination du Prince héritier MBS en 2015/2016 et sa prise de commande avec le lancement de Vision 2030, la stratégie de développement du pays qui vise à diversifier l’économie, ouvrir le pays au tourisme. Ils visent 100 millions de touristes en 2030. Aujourd’hui, la France accueille 90 millions de touristes par an.
On est dans un pays qui veut faire aussi bien que le leader mondial du tourisme, quand on sait d’où on vient… Et pourtant, ils ont les moyens financiers de le faire. Il y a énormément d’opportunités d’emploi, de projets, je pense à Neom, Red Sea, Qiddya… Les Saoudiens ont maintenant des raisons d’être très fiers de ce qu’il se passe en Arabie saoudite.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre quotidien en Arabie saoudite ?
Le fait d’avoir ma liberté d’emploi du temps, c’est peut-être aussi lié à mon travail, mais cela me permet d’être proche de ma famille. Je ne travaille pas la nuit, je fais un travail de « fonctionnaire », j’ai 20/30 minutes de route de mon travail à la maison, ce qui n’était pas le cas en Belgique. C’est le point très positif.
Ce qui est aussi très important pour nous, c’est la nature. On a toujours été accroché au fait de pouvoir aller dehors, en montagne, en forêt ou à la mer, profiter de l’extérieur. Ici, c’est le désert. Beaucoup d’expats disent qu’il n’y a pas de nature, c’est faux, il y a beaucoup de potentiel et de possibilités dans le désert. Des amis qui ont 4 enfants entre 3 et 10 ans sortent tous les week-ends dans le désert. Camping, barbecue, promenade, regarder les étoiles… À 1 ou 2 heures de voiture, vous êtes seuls au monde dans les dunes. C’est très plaisant.
Les saoudiens sont vraiment très ouverts, fiers, curieux, et ont envie de montrer qu’ils ont changé, que leur pays s’ouvre et que les gens devraient venir ici pour le voir. Avec les enfants, on ne s’attendait pas non plus à cette relation très bienveillante. Dès que vous êtes avec des petits enfants dans la rue, ils leur disent bonjour, ils veulent toujours donner un petit bonbon, toucher les cheveux, faire des photos… On ne s’est pas du tout senti oppressé, on avait peur d’avoir ce ressenti-là, et ça a été l’opposé avec la population locale.
Et le moins ?
Je dirais peut-être l’été, il fait un peu chaud.
Un mot sur votre expérience personnelle, vos adresses coup de cœur à Riyadh :
Vos bonnes adresses restaurants : Si vous aimez la cuisine asiatique, il y a Myazu, qui est vraiment très distingué. Il y a une ambiance feutrée, beaucoup de choix, et très propre.
Il y a Chez Bruno, un restaurant près de Alpha Celia Tower, dans le centre de Riyadh. Il propose de la cuisine de Provence, entre Italie et sud de la France, c’est très distingué. Bruno et La Petite Maison, c’est à peu près le même concept.
Le dernier, ce serait Yauatcha, un restaurant chinois situé dans un mall, mais qui a une terrasse couverte avec un DJ qui vient jouer du mercredi au samedi à partir de 17 heures. Ça fait un petit peu ambiance soirée dans un restaurant. Je recommande aussi Roka, top qualité, nourriture préparée devant les clients, très frais.
👉 Article : Riyadh et ses environs, les restaurants – Où déjeuner, diner ?
Vos deux bonnes adresses activité : La première, Edge of the World. Riyadh est construite sur un plateau, vous avez la falaise qui tombe, c’est à 2/3 heures de Riyadh en voiture. Il n’y a pas encore d’infrastructure pour y accéder, il y a des routes, mais il n’y a pas de café ou de restaurant sur place. C’est magnifique et encore très naturel. Il faut quand même aller visiter Kingdom Center ou faire le Sky Bridge pour avoir cette vue époustouflante sur une Riyadh qui change sans cesse.
👉 Article : Visiter l’Arabie saoudite : que faire à Riyadh et ses environs en 3 jours ?
Vos deux adresses beauté : J’en ai une, c’est un spa relax/massage qui est soi-disant le meilleur pour les femmes, parce que c’était, je crois, le premier à avoir un spa femme et un spa homme. C’est à l’hôtel Narcissus.
Vos deux adresses shopping : Ça, c’est compliqué. Forcément, les mall, c’est la grosse attraction du week-end ici. Vous avez des mall qui sont peut-être un peu plus grands, luxueux ou intéressants que les autres, ça dépend de ce que vous voulez faire. Moi, j’aime beaucoup le mall Riyadh Park, qui n’est pas très loin de chez moi, il est assez design. Sinon, pour les courses, dans les chaînes de magasins, comme Carrefour, mais mon magasin préféré, où la qualité des produits est meilleure, c’est Lulu, c’est un magasin indien.
Les incontournables à visiter : C’est un pays exceptionnel en termes de nature, qui est complètement sous-évalué. Il est magnifique, car il a été fermé pendant si longtemps, tout est intact et très peu touché. La première chose, c’est la 4e plus grande barrière de corail du monde à Jeddah. Prenez une chambre d’hôtel à Jeddah et faites du snorkeling ou de la plongée. Notre hôtel coup de cœur le Sheraton Beach Resort, il y a une école de plongée sur place. Les logements sont des petits bungalows, ce n’est pas une grosse tour, offrant une ambiance sympa et très agréable.
Ensuite, à faire absolument, la ville de Abha, qui est au sud de Djeddah, dans les montagnes. Elle va vous donner un paysage tout à fait différent de ce qu’on a en tête quand on pense à l’Arabie, c’est-à-dire le désert jaune. Abha, c’est les montagnes toutes vertes. Il y a des singes qui montent sur la voiture, le climat est forcément plus frais, car c’est en altitude. La ville, au printemps, est toute mauve, c’est magnifique.
J’ai oublié Allula, évidemment, que je ne peux pas manquer. C’est vraiment magique.
Deux spécialités à absolument tester en Arabie saoudite : Je vais en donner trois. J’ai beaucoup aimé les dattes locales, qui sont un peu plus « mouillées », humides. Il y a des dattes beaucoup plus sèches. Les dattes et le café saoudien, maintenant, c’est notre petit quatre-heures avec mon épouse.
Un immanquable, surtout quand vous êtes chez des Saoudiens : l’agneau rôti avec du riz. Le riz, d’ailleurs, est très différent de chez nous en Europe, c’est du riz très long. Il est très mou, très soft. Et en dessert, j’aime beaucoup la kunafa.