Portrait d’expat en Arabie saoudite: la parole à Michelle expatrié(e) à Al Khobar !
- PORTRAITS D'EXPATS
- La rédaction
- 14 mars 2023
- 24 minutes read
Depuis combien de temps en Arabie saoudite ? Dans quelle ville/quel compound vivez-vous actuellement ?
Je suis arrivée il y a 5 ans, en mars 2018, à Dhahran/Al Khobar, Province de l’Est (Eastern Province).
J’habite dans le compound Aramco (15 000 personnes !). On se croirait dans une banlieue résidentielle américaine : petites maisons assez basses, jolis jardins fleuris et boisés (oui ! C’est un havre de verdure au milieu du désert), golf, hôpital avec toutes les spécialités de médecine, 2 écoles avec système américain, en anglais, 4 supermarchés, 3 complexes sportifs avec terrains de foot, cricket, salles de gym, quelques cafés-restaurants, une poste, une banque, une agence de voyage… On y trouve quasiment tout. Une ville fermée à l’intérieur de la ville, on y circule à vélo, en voiture, à pied… Sans aucune contrainte vestimentaire.
👉 Article : Dammam, Al Khobar, Dhahran – Les « compounds » prisés des expatriés !
Comment décririez-vous la ville de Dhahran / Al Khobar en quelques mots ?
Dhahran est une grosse banlieue de Khobar, ou Al Khobar, ville de taille moyenne, annexe de la métropole industrielle Dammam (Ad Dammam).
Dammam/Khobar/Dhahran, c’est un peu comme Lille/Roubaix/Tourcoing.
Dans quel contexte avez-vous décidé de vous expatrier en Arabie saoudite ?
Professionnel pour mon époux. Il a eu une opportunité via un chasseur de tête.
Nous sommes expats depuis 26 ans et avons vécu dans 6 pays différents et 3 continents.
Quelles ont été vos principales difficultés lors de votre installation en Arabie saoudite ?
La plupart des « difficultés » ne seraient plus le cas maintenant car le pays a beaucoup évolué mais lors de notre arrivée les trois principaux obstacles ont été :
1- Le fait qu’une femme n’était « civilement » pas considérée en tant qu’individu indépendant : toutes les démarches administratives devaient être faites et/ou supervisées par mon époux qui était le seul à avoir un permis de travail et un visa ad hoc. La famille (épouse dans mon cas) avait un statut de « dependent », ne lui permettant pas d’ouvrir un compte en banque ou renouveler un visa par exemple.
Cela a évolué, les femmes ont à présent un compte Absher (plateforme électronique gouvernementale permettant de réaliser toute démarche administrative) individuel et indépendant des maris.
2- L’impossibilité de conduire. Cela a changé il y a 3 ans, je conduis seule, partout et sans problème.
3- La barrière linguistique : en dehors des artères principales et dans les malls, la seule langue parlée est l’arabe. Et quand l’anglais est parlé, il est assez basique.
Quelle est votre activité professionnelle ?
Je fais du coaching, je donne des leçons de piano et j’écris (en ligne exclusivement).
Dans votre quotidien professionnel, avez-vous eu des difficultés pour vous adapter à votre nouvel environnement ?
Non, aucune.
Avez-vous des enfants ? Comment s’est passé leur adaptation à ce nouvel environnement, école ? activités ?
Oui, 4 enfants (24/26/29/32) mais aucun ne vit avec nous ici. Et aucun ne vit en France non plus !
La vie quotidienne en Arabie saoudite intrigue et interroge grand nombre de futurs expatriés. Quelles sont les croyances et/ou préjugés que vous avez pu avoir en amont du départ, et qui se révèlent faux ou réels ?
La plupart des croyances et préjugés se sont révélés FAUX !
1- Femmes qui doivent sortir avec le « voile » :
FAUX ! Je n’ai quasiment jamais porté d’abaya. Elle n’est plus obligatoire depuis 3 ans. Je n’ai jamais couvert ma tête. Aucune femme non musulmane n’est censée se couvrir.
2- Pays peu développé/ infrastructures basiques :
FAUX ! Routes, réseaux électriques, maisons modernes, internet… Tout fonctionne parfaitement et tout est globalement bien entretenu.
3- On ne trouve pas tous les produits du quotidien dans les magasins :
FAUX ! On trouve presque tout. Moins de spécialités françaises à Al Khobar qu’à Riyadh depuis la pandémie de Covid hélas (fromages, foie gras, magrets de canard… ).
4- Chaleur excessive toute l’année :
FAUX ! La saison d’hiver, novembre à fin mars est magnifique : 20 à 25°C en journée, 10 à 20°C la nuit, l’air est sec et le soleil au quotidien est une véritable cure de jouvence.
Il reste 7 mois où l’on profite de la lumière mais on passe moins de temps dehors. Tout est climatisé. Et la chaleur sèche à 40°C est bien plus supportable que l’humidité chaude à 30°C d’Asie du Sud-Est par exemple.
D’un point de vue culturel, quels sont les changements dans la vie de tous les jours qui vous ont le plus surpris ?
Jusqu’à il y a 3 ans, il n’y avait pas de théâtre, concerts, ni même de cinémas.
A signaler, l’existence d’Ithra : Centre culturel à Dhahran, ouvert en 2017, prouesse architecturale contemporaine, qui propose quelques animations (semaine du Vietnam, merveilles d’Al Ula, cité nabatéenne antique…) et quelques spectacles vivants.
Il faut se préparer à sortir moins spontanément au café, au restaurant, au concert.
Ces endroits existent, l’on s’y rend en voiture, il faut réserver et l’ambiance n’est pas comparable à un café ou une brasserie parisienne(ne).
Qu’est-ce que vous auriez aimé savoir avant de vous installer en Arabie saoudite ?
- Quelques clés d’appréciation et de compréhension de la culture arabe,
- Liste des DO’s and DONT’s
- Initiation de base au Coran puisque la religion est intimement liée à tous les aspects de la vie sociale et familiale.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre quotidien en Arabie saoudite ?
- Le calme… surtout lorsque l’on voyage régulièrement. Je me repose ici.
- La sécurité (on laisse maison et voitures ouvertes)
- L’hospitalité, la générosité lorsque l’on est introduit dans les familles/maisons saoudiennes. La maison, pour les Saoudiens, est un sanctuaire intime. On ne l’ouvre que pour la famille très proche. Il faut du temps, de la patience et de la persévérance pour être accepté dans ce cercle, mais lorsque c’est fait, on est ému par tant de chaleur humaine. Sans doute ce qui me restera de plus fort dans mon expérience saoudienne.
- Le respect pour les femmes en général, contrairement à toutes les idées reçues : il faut les protéger. Beaucoup de prévenances. Et Lorsqu’un homme évite de regarder une femme dans les yeux en lui parlant, c’est par respect pour elle et non par mépris. On ne regarde dans les yeux que les femmes qui font partie du cercle intime familial, sinon cela signifie qu’elles sont mal considérées. J’aurais aimé le savoir.
- Le temps ! Lumière et soleil au quotidien.
- A Khobar et sa proximité avec la mer. Kite surf et voile sont accessibles le week-end.
Et le moins ?
- La structure des villes à l’américaine avec de grands axes autoroutiers et des malls. Encore peu de voies piétonnes.
- Peu de conscience écologique et de civisme urbain. C’est toute une éducation à faire mais je suis confiante car les autorités ont une véritable vision et une intarissable ambition dans ce domaine.
- En termes de services : des délais pas toujours respectés, une qualité de service aléatoire qui néanmoins s’est beaucoup améliorée ces 3 dernières années, qualité et fiabilité des artisans, techniciens, plombiers : très perfectible mais sur la bonne voie. Une société qui repose sur la main d’œuvre manuelle expatriée (Indiens, Pakistanais, Bangladeshis, Philippins, Indonésiens), comme à Singapour, Hong Kong, Bangkok…. Cela évolue rapidement avec un objectif sain et affirmé de « saoudiser » toutes les catégories professionnelles. A suivre…
Un mot sur votre expérience personnelle, vos adresses coup de cœur à Al Khobar/Dammam :
Vos deux bonnes adresses restaurants à Khobar :
- À Al Khobar. Eat’Sy (italien/méditerranéen) et Nozomi (japonais).
- À Bahrain, de l’autre côté du Causeway, ce pont autoroutier, reliant les 2 pays depuis Khobar, regorge de restaurants de qualité et d’hotels agréables. Les Saoudiens comme les expats s’y rendent massivement le weekend (environ 1h de route lorsque c’est fluide).
Vos deux bonnes adresses activité à faire à Dhahran :
- Camper dans le désert… expérience phare.
- Profiter de la mer
Vos deux adresses beauté à Khobar :
- Jolie Dame Salon à Khobar. Bien pour les massages et soins des ongles.
- Bons coiffeurs libanais hommes à Bahrain, mais hors de prix.
Vos deux adresses shopping à Khobar / Dammam :
- Rashid Mall pour tout sauf l’alimentaire et Danube supermarket Corniche pour la nourriture.
- Et le marché aux poissons de Dammam.
Les incontournables à visiter en Arabie saoudite : Un immense pays à la géographie bien plus variée que l’on imagine souvent.
- Al Ula, site archéologique nabatéen, magnifiquement restauré.
- Jeddah et sa vieille ville, Abba.
- Les montagnes du sud-ouest : vertes et luxuriantes ! Grimpent à 2000m, il neige parfois en hiver !
- L’archipel des îles Farasan, Sadjid et Zoufaf dans la mer Rouge au sud-ouest (coraux magnifiques ; snorkeling fantastique).
- La région de Tabuk au nord-est : désert de sable, d’ocre et pierres anthracites, oasis miraculeuses au milieu de pitons rocheux.
- Le Empty Quarter : désert gigantesque au Sud-est avec des dunes à l’infini.
Deux spécialités à absolument tester en Arabie saoudite :
- Café arabe (Arabic coffee ou Qahwah al’arabiiah) à la Cardamome (grains de café vert infusés longuement avec de la cardamome broyée et parfois d’autres épices ; chaque famille a son secret…) et gâteau moelleux aux dattes. Le meilleur est celui de mon amie Manal, la première qui m’ait invitée chez elle alors que nous venions de nous rencontrer par hasard sur une plage ! C’est rare. C’est précieux.
- Laban (yaourt liquide ou « petit lait ») : on lui attribue des vertus digestives uniques.
- Les dattes saoudiennes sont extraordinaires et très variées.
- Le plat national : mouton grillé ou en ragoût et riz kapsa. A essayer, au moins une fois.
Si vous aviez des conseils à donner aux futurs expats qui souhaitent s’installer en Arabie saoudite:
1- Avoir une vie intérieure très riche permettant de se suffire à soi-même souvent.
2- Avoir envie d’aborder une culture qui nous semble assez opaque avec curiosité et tolérance, sans à priori ;
3- Faire fi de notre système de valeurs occidentales que nous pensons universelles (démocratie, liberté d’expression…). Il faut accepter de se remettre en cause et comprendre que les codes de conduite, usages et sensibilités ne sont pas les mêmes que les nôtres. Plus encore qu’en Asie par exemple et je ne m’y attendais pas (j’ai vécu 5 ans à Singapour et travaillé avec des Chinois, des Indiens, des Japonais…).
4- Apprendre la langue arabe. Splendide, riche, sophistiquée, structurée. Et très difficile.
La communauté française en Arabie saoudite : quels organismes, associations, rendez-vous culturel ou business mensuel rassemble la communauté francophone à Dammam / Khobar / Dhahran ?
La communauté française existe à Dammam/Khobar/Dhahran, même si elle moins importante par rapport aux communautés américaine ou anglaise.
L’UFE (Union des Français de l’Etranger) organise quelques réunions conviviales non régulières.
Pas/très peu de relations avec la représentation diplomatique française qui reste à Riyadh. La vie sociale semble plus animée à Riyadh qu’à Al Khobar en général et en particulier pour la communauté française.
LE MOT DE LA FIN :
- Un pays en plein « chamboulement », mutation, qui s’ouvre au monde avec avidité. Une rapidité d’évolution époustouflante. Il se passe ici en 5 ans ce qui a pris 100 ans en Europe ! On applaudit sans retenue.
- Un pays fascinant tellement il est différent du nôtre en matière de rapports humains (égalité homme/femme évolue et les jeunes femmes sont de plus en plus visibles sur le marché du travail ; nonobstant, il reste du chemin à faire), de hiérarchie (modèle traditionnel « top-down », de systèmes de commande, de structure familiale (encore traditionnelle). Cela évolue également très vite.
- Une société profondément tiraillée entre un désir de modernisme à l’occidentale (modèle américain : grosses voitures, énormes maisons, énormes frigos, prolifération de fast-foods type Mc Do, Kfc, Doughnuts Factory… et un attachement aux traditions des tribus bédouines (tenues vestimentaires : Taubs blanches-hommes, abayas et voile quasi intégral noir – femmes, respect absolu des anciens qui ont autorité sur toute la famille, interactions professionnelles, amicales et familiales assez formelles, normatives et codifiées, archétypales.
- La perméabilité permanente de la religion dans la vie de tous les instants. Les Saoudiens sont en vaste majorité authentiquement religieux. C’est touchant et force le respect, quelle que soit sa position vis à vis de la religion. Il n’y a pas de prosélytisme.